L’ahi ma’a (ahi = feu et ma’a = nourriture), appelé aussi four tahitien ou encore four polynésien, désigne à la fois la méthode de cuisson et la technique de préparation des aliments. Découvrons ensemble cet aspect de la Polynésie.
Comment faire un ahi ma’a ?
Concrètement, il s’agit d’un trou creusé dans la terre (de 50 à 80 cm de profondeur et 2 mètres de diamètre) au fond duquel on place du bois, des noix de coco sèches, et que l’on recouvre de pierres volcaniques et poreuses.
La chaleur dégagée par le bois qui se consume chauffe les pierres qui deviennent brûlantes. Ces pierres sont alors recouvertes de branchage sur lequel on dispose la nourriture.
Certains aliments délicats (comme le poisson) sont enveloppés dans des feuilles de bananier alors que d’autres (patates douces, ignames, viandes, fruits de l’arbre à pain..) sont directement posés sur la paillasse.
On recouvre ensuite le tout de feuilles de bananier, de sacs humides et enfin de terre ou de sable. Tous les aliments sont ainsi cuits à basse température et conservent leurs nutriments, vitamines et minéraux.
C’est une méthode de cuisson vertueuse qui consomme très peu de combustible et qui permet, de plus, de cuire des très grandes quantités de nourriture.
La cuisine tahitienne est variée dans ses aliments et ses parfums :
- Poulet souvent revenu avec des oignons et des feuilles de taro, sorte d’épinards. Le tout avec du lait de coco.
- Cochon mariné à la sauce soyou (mélange de sauce soja, d’huile de sésame, d’ail, de citron et d’épices)
- Les légumes comme le taro ou l’uru (fruit de l’arbre à pain)
- Le riz reste un accompagnement de prédilection et est cuit hors du four.
- Enfin, des puddings sucrés à base d’ananas, de potiron ou de banane semblable à la banane plantain.
Finalement, : vapeur, feu doux et récipient fermé.. l’ahi ma’a est ce que l’on appelle un mode de cuisson à l’étouffée.
Une cuisson au long cours
La temps de cuisson peut prendre jusqu’à 5 heures.. autant dire qu’il faudra être patient ! Cependant cela en vaut la peine car l’ouverture du four tahitien est tout simplement un moment délicieux.
Les odeurs se dégagent rapidement et c’est un réel plaisir de voir tous les mets être déballés les uns après les autres. Les arômes et les saveurs sont intacts et la dégustation est délicieuse ! Les viandes et légumes sont fondants sous le palais, un régal !
Le four tahitien : une tradition dominicale
Synonyme de convivialité et de partage, le ahi ma’a est préparé lors des fêtes, événements et regroupement familiaux.
Certaines sources laissent entendre que les missionnaires ont instaurés le ahi ma’a du dimanche : préparé le samedi et ouvert le lendemain pour être servi après l’église ou le temple.
Mais avant cela : une façon de cuire les ennemis vaincus
Il faut se plonger dans les carnets de bord des explorateurs européens du 17e siècle, ou encore dans les journaux des missionnaires des différentes églises pour découvrir un autre aspect de la Polynésie : les sacrifices humains et le cannibalisme.
De nombreux récits relatent les guerres acharnées entre peuplades et leur goût pour la chair humaine. Dévorer le cadavre des ennemis vaincus semblait être une pratique courante en Océanie et ce, jusqu’au XIXe siècle.
On dévorait les enfants des tribus battues tout d’abord. Cela permettait au vainqueurs de s’assurer de sa supériorité sur le long terme en éradiquant les futurs guerriers. Puis on mangeait les guerriers eux-mêmes, probablement en guise de trophée. L’anthropophagie faisait partie intégrante d’un rituel guerrier.
Faits avérés ou mythe ?
Alfred Testard de Marans (Alfred Testard de Marans, né à Laval (Mayenne) le 27 octobre 1860 et mort à Porto Novo au Bénin le 11 septembre 1890, a effectué de nombreuses missions coloniale et est l auteur Souvenirs des îles Marquises, 1887-1888), vice-président dans les îles Marquises en 1887-1888 dira :
De tout temps, les Marquisiens ont mangé de la chair humaine. La cause première de cette coutume nous est inconnue, peut-être croyaient-ils en cela s’approprier les vertus du défunt. Nous n’en savons rien. Toujours est-il que ce sont les femmes et les enfants que l’on mange le plus souvent. On mangeait auparavant les victimes des sacrifices, les guerriers tués au combat ne subissaient pas le même sort. Aujourd’hui, on est bien revenu de ces cérémonies religieuses : on mange simplement les gens que l’on a assassinés, sans aucune apparence d’offrande à la divinité.
Alfred Testard de Marans, Souvenirs des îles Marquises, Groupe Sud-Est, 1887-1888
Max Radiguet (Max Radiguet, né à Landerneau le 17 janvier 1816 et mort à Brest le 7 janvier 1899, est un voyageur, romancier (écrivain mondain), auteur de poésies et illustrateur français. Il fut aussi secrétaire de l’amiral Dupetit-Thouars.), voyageur et romancier embarqué en 1842 à bord de la frégate française la Reine-blanche raconte :
« C’est aux guerriers que reviennent les yeux. Le cœur est mangé cru, le reste du corps, bardé de feuilles de ti, couché, recouvert de terre, sur un lit de galets rougis au feu, est cuit le premier ou le deuxième jour, mangé le troisième et les jours suivants. »
Max Radiguet – la revue des Deux Mondes – lepoint.fr
De nombreux autres récits, dont celui de la mort du capitaine James Cook à Big Island, en février 1779, atteint d’une lance dans le dos et dont le corps fut en partie dévoré, viennent étayer l’hypothèse du cannibalisme en Polynésie.
C’est, semble t-il, l’arrivée des occidentaux et plus précisément la conversion des populations au christianisme qui mettra fin à cette pratique anthropophage.
Polynésie, premier pays à abolir la peine de mort
La Polynésie ira encore plus loin dans cette envie d’évolution et de changement.
En 1824, lors d’une assemblée, les chefs abolissent la peine de mort et la remplace par le bannissement, faisant ainsi de la Polynésie le premier pays au monde à abolir ce châtiment.
« Est-ce bien au nom de la Justice de faire que l’homme devienne meurtrier de son frère ? Je ne le pense pas. Je crois donc que nous devons nous en tenir au bannissement du meurtrier .»
Chef Tati lors de l’assemblée de chef – 1824
Le cannibalisme fascine toujours de nos jours
Encore à notre époque, la cannibalisme fascine. En témoignent cette histoire de touriste allemand tué aux îles Marquises en 2011 et qui a défrayée la chronique.
Certains journaux n’hésitant pas à titrer « Un cas de cannibalisme aux îles Marquise ».
De nombreux articles à disposition
J’ai pris plaisir à naviguer sur le web pour découvrir ce nouvel aspect de la Polynésie. Je vous partage quelques uns des articles :
- Préparation four tahitien de Noël
- 43 récits de cannibalisme
- Le tour du monde des cannibales
- Tahiti est le premier pays au monde à avoir aboli la peine de mort
- Société des Océanistes – Autour du palais de justice
- Un cas de cannibalisme aux îles Marquises ?
- Tourisme allemand tué aux Marquises : accusé condamné
Cet article vous a plu ? découvrez d’autre facettes de la Polynésie comme l’art de danser avec le feu ou encore les danses tahitiennes.
Commentaire
Cuisson un peu longue mais c’est peut-être un art de vivre. Partagé sur fb