Lors d’une soirée sur l’île de Taha’a, j’ai eu l’occasion d’admirer avec ravissement les danseurs et danseuses du restaurant « le Ficus », situé sur l’île de Taha’a. Vêtus de leur paréo, ils nous ont offert une démonstration de danse tahitienne envoutante.
Le mythe de la vahiné
Des grandes plages de sable fin, des cocotiers, la mer bleue turquoise, sans oublier : les vahines….
On ne peut évoquer la Polynésie sans penser à ces superbes femmes qui, vêtues d’un soutien-gorge de noix de coco et parées de leur couronnes et costumes magnifiques se déhanchent au rythme des percussions.
Elles dansent le ‘ori tahiti, plus récemment appelée le « tamure ». Danse tantôt rythmée tantôt sensuelle qui fait partie des traditions et que l’on apprend à danser très jeune, que l’on soit fille ou garçon.
Découvrons ensemble l’histoire de ces danses tahitiennes.



Un art ancestral à l’histoire compliquée
Pratiquée depuis la nuit des temps, les danses font partie du quotidien
Pratique artistique, sociale et culturelle, les danses ont toujours fait partie du quotidien des Polynésiens.
Elles sont très souvent associés aux grands rituels religieux qui rassemblent les populations autour des grands marae sacrés plusieurs fois par an.
Elles s’intègrent aussi à tous les événements de la vie sociale qui sont l’occasion de se réunir. Que ce soit pour accueillir, dire au revoir, honorer ou se divertir : on danse.
Une danse interdite dès le début de l’évangélisation
Pratiquées légèrement vêtues, les danses tahitiennes sont très vite considérées comme sataniques et obscènes par les missionnaires protestants de la London Missionnary Society. Par conséquent, elles sont interdites dès le début de la colonisation.
C’est ainsi, qu’en 1819, sous l’influence des évangélistes, le code Pomaré édicte un premier interdit, durcis en 1842 par le code indigène. Ce dernier stipule que toute personne vu en train de danser ou de regarder danser sera punis d’une amende.
Mais une danse qui survit dans la culture populaire
Malgré l’interdiction, la danse tahitienne survit dans la culture populaire et se pratique de manière clandestine. On s’y adonne la nuit, en petit comité et à l’insu des missionnaires et des autorités civiles qui la condamnent.
Une administration coloniale qui tente de lever l’interdiction
Par la suite et durant plus de 60 ans, l’administration coloniale va tenter régulièrement de lever l’interdiction de danser en public. Mais cela génère des débordement et des troubles à l’ordre public qui conduisent à maintenir l’interdit.
Une danse qui sort définitivement de la clandestinité grâce aux français
Il faudra attendre 1881 et la commémoration de la prise de la Bastille pour que de nouveau, les polynésiens aient le droit de danser en toute liberté … avec décence et modération bien sur !
C’est le gouverneur Bruat qui, pour célébrer la fête nationale du 14 juillet 1881 institue le premier heiva donnant ainsi aux Polynésiens l’occasion de s’affronter dans des concours d’activités traditionnelles.


Une danse qui sort peu à peu de l’ombre
Désormais, la danse sort peu à peu de l’ombre. Les polynésiennes abandonnent petit à petit les longues robes qu’on leur avait imposées. Les épaules et les bras se dénudent à nouveau et on danse désormais lors de toutes les festivités de la colonie.



Femmes tahitiennes en robe missionnaire
1956 : la danse tahitienne regagne ses lettres de noblesse
Il faudra cependant être patient et attendre le milieu de XX siècle pour voir la danse tahitienne regagner ces lettres de noblesse.
On doit cette renaissance à Madeleine Teroroheiarii Moua, descendante de la famille royale. Cette institutrice passionnée par la danse décide de réunir les plus jolies filles des îles et de les faire danser ensemble. Afin de redorer l’image de la danse, elle sollicite la participation des jeunes filles issues des grandes familles de Tahiti.
C’est ainsi, qu’en 1956, le premier groupe « Heiva Tahiti » de danse professionel est créé. La troupe compte 24 danseuses, venant toutes de bonnes familles qui apprécient l’Art de la danse.
Dès lors, Madeleine Moua se produit dont de nombreux pays et offre aux spectateurs des représentations dans lesquelles costumes et chorégraphies s’harmonisent parfaitement.
Cette œuvre de réhabilitation est un succès. Cela aboutit à la naissance de plusieurs groupes mais aussi à une modification majeure de la façon de danser.

Crédit photo: Lucien Pesquié Photography
De nombreux articles sont consacrés à cette grande dame de la danse tahitienne :
- Madeleine Moua – Grande dame de la danse Tahitienne – Guy Laurens
- Madeleine Moua – Portrait de femme –
Une danse aberrante ?
2 évolutions majeures qui aboutissent à une aberration totale
Certes, Madeleine Moua, a réhabilité la danse tahitienne mais non sans sacrifice.
En effet, danser les jambes écartées est considéré comme vulgaire et profondément aguicheur. Afin de rendre la danse plus convenable, elle demande donc à ces danseuses de dorénavant garder les pieds et genoux serrés !
Une nouvelle évolution de la manière de danser intervient en 1971 sous l’impulsion de Alexandre Moeava. Ce dernier, afin de garantir l’esthétisme et l’harmonie lors de représentations, élabore le code la danse. Ce code prévoit cette fois de danser les pieds à plats en gardant les talons au sol !
Ces deux modifications combinées allaient conduire, à une aberration totale : l’axe du corps étant toujours dans l’avant du pied, danser le poids du corps rivé dans les talons conduit à de graves déséquilibres et pour la plupart des danseuses, induit une compensation avec le dos (cf Ori Tahiti by Joëlle Berg )
Paulina Morgan et Louise Kimitete établissent de nouvelles règles
A la fin des années 1980, la danse traditionnelle est introduite au conservatoire artistique. C’est à partir de ce moment là que Paulina Morgan et Louise Kimitete, s’intéressent au sujet et entament des recherches sur les mouvements et les pas de danse.
Elles se plongent dans les écrits des navigateurs et premiers explorateurs arrivés en Polynésie. Elles tentent d’appréhender et de comprendre la danse telle qu’elle était pratiquée autrefois.
De ce travail découle une nouvelle façon de danser. Dorénavant, on danse en martelant le sol avec les talons et de nouveau les jambes écartées. Ce sont ces techniques qui sont encore enseignées aujourd’hui.


Les danses tahitiennes sont éprouvantes pour le corps, car elles sollicitent énormément les genoux. Malgré cela, elles connaissent un engouement mondial incontesté.
Les différents types de danse
Il existe 4 types de danse. Chacune d’entres elles expriment à sa façon une activité quotidienne, comme la fabrication du tapa, la chasse, la pêche ou alors la guerre.
Le ‘aparima, ou l’art de « mimer avec les mains »
Il s’agit d’une danse de groupe gracieuse au rythme assez lent dans laquelle les mouvements des mains ont une très grande importance. Dans cette représentation, les danseurs miment des scènes de la vie quotidienne, accompagnés par des chants et une guitare.
Le ‘ote’a, la danse des guerriers
Il s’agit d’une danse de groupe guerrière réservée à l’origine aux hommes mais qui a évolué au fil des années. Les danseuses et danseurs sont disposés en colonnes ou en alignements étudiés, et sont accompagnés exclusivement d’instruments à percussion.
Il existe 3 formes de ote’a : le ote’a tane, dansé par les hommes, le ote’a vahine interprété par les femmes, et le ote’a amui mixte. C’est aujourd’hui la danse tahitienne la plus célèbre et la plus connue.
Le hivinau, joie et mixité
Danse joyeuse et mixte pendant laquelle les danseurs évoluent en cercles concentriques tout en tourbillonnant et s’entrecroisant. Ils sont accompagnés de tambours et d’un soliste vocal masculin (meneur) auquel les danseurs répondent en chœur.
Le pa’o’a ou la fabrication du tapa
Autrefois, pour fabriquer le tapa, les femmes, assises par terre, battaient l’écorce en rythme tout en chantant. Aujourd’hui cela se traduit par une danse en demi-cercle (parfois en cercle fermé) durant laquelle des couples composés d’un danseur et d’une danseuse se lèvent successivement pour improviser une danse au centre, les autres danseurs, accroupis, tapent des mains en cadence.
Les danses tahitiennes très présentes en métropole
De nombreuses représentations ont lieu chaque année, y compris en métropole, et je ne peux que vous encourager à aller assister à ces spectacles colorés et vivants.
Et si vous avez, comme moi, été séduit, sachez qu’il existe de nombreuses associations de danses tahitiennes un peu partout sur le territoire avec lesquelles vous pourrez apprendre ces différentes chorégraphies. Et pour les plus motivés, on trouve régulièrement des stages organisés par des stars de la danse tahitienne :
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